Du désir au plaisir de changer. comprendre et provoquer le changement, françoise kourilsky
Le souci de clarté et de simplicité rend l'ouvrage facile à lire. Il servira d'introduction pour les débutants, et d'aide-mémoire pour les intervenants consultants plus chevronnés. Son mérite est d'établir des lignes de pont entre lemonde de l'entreprise et celui de la psychothérapie. Certains propos sont sujet à discussion et à prolongements.
Voyons par exemple le tableau de la page 248, proposée par F. Kourilsky-Belliard : d'un côté, la démarche analytique, fondée sur une logique binaire et disjonctive, la causalité linéaire, l'orientation passé-présent, la recherche des causes, de l'explication, de la détermination duprésent et du futur par le passé ; de l'autre, la démarche systémique, fondée sur une logique ternaire conjonctive, la causalité circulaire, l 'orientation présent-futur, la clarification de l'objectif à atteindre, la recherche des fonctions utiles des dysfonctionnements et des ressources du système, l'influence de la projection de l'avenir sur la construction du présent. Cette dichotomie, produite dansune perspective qui s'énonce systémique, semble valider la logique binaire analytique dans son énoncé même. Pourtant, il est peu de psychanalystes qui arriveraient à se "retrouver" dans la colonne dite "analytique" : les formes conditionnelles, concurrentes et spécifiques de causalité repérées par S. Freud dans l'origine des névroses révéleraient une vision à la fois multilinéaire et non linéairede leur constitution. De même, les processus primaires, caractéristiques, selon S. Freud, du fonctionnement psychique inconscient n'obéissent pas à une logique binaire et disjonctive, et reposent sur l'équivalence et le mélange des contraires, perçus comme incompatibles par les processus secondaires préconscients.
Le lecteur est ainsi incité à constituer par lui-même la conjonction ternaire quele tableau ne décrit pas. Serait-il difficile d'envisager un ensemble de psychothérapies qui ajustent leur angle de tir sur un axe où passé, présent et avenir seraient, non pas disjoints, mais réunis ? Les causalités linéaires et circulaires devraient-elles nous obliger à négliger les aspects formels, diffus, complexes de causalité, voire à envisager des formes indéterminables d'interaction ? Etque doit-on faire lorsque les objectifs à atteindre ne sont pas clarifiables, les ressources du système extrêmement limitées, le désir de changer (a fortiori le plaisir...) absent, voire dangereux ?
De fait, les exemples proposés montrent que les symptômes d'appel (ainsi que leur prescription thérapeutique) relèvent de formes de demandes susceptibles d'être bien ciblées, énoncés par des patientsou des responsables d'organisations dont les ressources (intellectuelles, morales, économiques, etc.) leur permettent d'envisager des "jeux" sociaux à somme non nulle. La boutade classique, selon laquelle la psychanalyse s'adresse à des gens dont la bonne santé leur permettra de surmonter l'épreuve sans dégâts, pourrait s'étendre à l'approche systémique ici proposée, même si l'une et l'autre...
Veuillez vous inscrire pour avoir accès au document.