Démêlés de la france et de la suisse
Revue des Deux Mondes, tome 8, 1836
La Suisse a beaucoup occupé l'Europe pendant le cours de ces dernières années. Elle l'a occupée par ce qu'elle a fait, par ce qu'elle a voulu faire, par ce que l'on a craint qu'elle ne fit, et surtout par ce que d'autres ont fait chez elle assez impunément, quelquefois avec sa connivence, toujours à son préjudice, toujours aussi grace aux particularités de son organisation politique. A tout prendre, il est possible que dans cette espèce d'intervention perpétuelle et d'ingérence un peu tracassière, on ait passé la mesure; mais cela tient aux circonstances. La Suisse a été, par la force des choses et par suite des changemens que l'année 1831 a vu s'opérer dans ses institutions, le terrain sur lequel les intérêts nouveaux, nés de la révolution de juillet, et les intérêts anciens qui lui avaient survécu, se sont trouvés le plus long-temps, je ne dirai pas en collision positive, mais en observation hostile et se sont tenus mutuellement en échec avec le plus d'obstination. Il n'y a pas eu, à proprement parler, de question suisse; mais il y a eu sur le sol de la Suisse un combat d'influences rivales, qui s'appuyaient chacune sur leurs auxiliaires naturels dans les cantons régénérés et dans les cantons qui n'avaient pas subi de changemens, dans les aristocraties déchues et dans les démocraties victorieuses.
De part et d'autre, on est allé presque jusqu'au bout des deux systèmes, sans trop s'apercevoir qu'il y avait exagération des deux côtés, et qu'il serait impossible de se maintenir long-temps dans cette attitude, qui contrastait trop vivement avec le rapprochement général des intérêts européens, opéré dans une sphère plus haute. C'est un point de vue sur lequel il est d'autant plus à propos d'insister, qu'il explique d'une manière satisfaisante une partie des derniers évènemens de la Suisse, l'irritation d'un certain nombre des anciens amis de la France, l'altération momentanée de la