Désert de le clézio
Article publié dans le n°326 de La Quinzaine littéraire, le 1er juin 1980 Dans l'œuvre déjà riche de Le Clézio, Désert marquera sans doute un moment décisif. Il y a deux ans, Mondo et autres histoires nous transportait auprès d'enfants indiens heureux dont les joies claires et les hymnes faisaient un peu oublier l'angoisse de La Guerre ou l'errance du Livre des fuites. Cette fois, les deux données contradictoires de l'univers de Le Clézio cristallisent remarquablement : Désert est à la fois poème et tragédie, roman émerveillé et roman noir, un royaume et son exil, l'exploration tour à tour des deux côtés du monde...
Une structure binaire
La structure binaire du livre affirme nettement cette double postulation. Deux parties : « Le bonheur » et « La vie chez les esclaves ». Deux lieux : l'Afrique (le royaume) et Marseille (l'exil). Deux époques : les années 1909-1912 (massacre des hommes bleus du désert par les Chrétiens) et le temps présent (celui de la misère des immigrés). Deux enfants-héros : un jeune garçon, Nour, et une jeune fille, Lalla. Cette structure très claire, presque didactique, traduit la volonté de l'auteur d'engager plus résolument son écriture dans les voies démonstratives de la parabole.
« Ils sont apparus, comme dans un rêve, au sommet de la dune, à demi cachés par la brume de sable que leurs pieds soulevaient. » Le roman s'ouvre avec l'arrivée, dans la vallée de Saguiet el Hamra, pendant l'hiver 1909-1910, d'une caravane de touaregs harassés, chassés du Sud par les soldats des chrétiens. Ce long convoi d'hommes bleus qui chemine sur le sable semble surgir de l'infini : « Ils étaient nés du désert, aucun autre chemin ne pouvait les conduire. Ils ne disaient rien. Ils ne voulaient rien. Le vent passait sur eux, à travers eux, comme s'il n'y avait personne sur les dunes. »
Dans la caravane, un jeune garçon, Nour, observe tout ce qui se passe. Il va d'un groupe à l'autre, il regarde et