Écrit d'invention :

« Il est temps. » Ce sont là les seuls mots de la soirée prononcés par mon père. Ces trois mots, aussi simples soient-ils, annoncent l'heure du coucher. Le rituel commence alors : Mes parents se séparent d'un bout à l'autre de la grande table. Voilà mes frères qui baisent la main de notre mère, tandis que ma sœur et moi, nous commençons par père. Je suis la cadette, c'est à moi que reviens la corvée de débuter le rituel. C'est la même chose tous les soirs, pourtant, cet homme, que j'appelle père, d'une pâleur marmoréenne, demeure fortement intimident. Il ne m'aime pas je le sais, pourtant, lorsque je faute, il fait souvent preuve d'une grande mansuétude à mon égard. Cette attitude m'est d'ailleurs exclusive. Pourtant, lorsqu'il l’estime nécessaire, alors que ces motifs sont pour moi abscons, il n'hésite pas à me vilipender. Il ne m'aime pas, je le sais. D'ailleurs, qu'est-ce que l'amour ? Ma sœur me dit toujours que « l'amour renvoie la plus part du temps, en tant que concept général, à un profond sentiment de tendresse envers une personne. » Mais je ne ressens pas de tendresse envers mon père. Et le voilà qui avance sa grosse et impétueuse main vers moi, afin que j'y dépose mes un baiser plus glacial que la mort . Afin de supporter cette contrainte, je préfère penser à la journée passée. Père nous a fait les leçons cette après midi. Nous n'avons jamais de contacts extérieur à la maison. J'ai appris mes poèmes avant le dîner, je ne recevrais donc pas le bâton, contrairement à Anne, me sœur bien aimée, qui n'arrive pas à retenir ses leçons. Je n'aime pas m'endormir lorsque j'entends ses cris de douleur. Ce soir, je fermerai donc les yeux, et m'évaderai dans un monde de chimères et de magie, le monde que je me suis construit, et qui m'appartient, dans lequel je me sens en sécurité, où les abeilles dansent avec les fleurs. Un monde de rêves, où je serais enfin