L'homme se leva. Aveuglé par la lumière, il ferma les yeux, sentit la caresse du vent, apportant les parfums divers de la végétation. Le ciel, vêtu du manteau bleu-azur de l'horizon, projetait les rayons de l'étrange soleil, éclipsé par les pensées noires et obscures de l'écrivain. Il n'arrivait pas à détourner les yeux du chemin invisible qui se traçait devant lui. Il avançait à tâtons, ses yeux ne s'habituant jamais à l'obscurité. Il se demandait, intérieurement, quelles parures, quels visages donner à son roman. Pourrait-il dépeindre la réalité? Ou plutôt, sa réalité? Ou devrait-il décrire au monde sa réalité fantastique, illusoire, irréelle? Il commença à marcher, laissant ses pieds le mener dans le labyrinthe de beauté, de calme et de volupté, qu'étaient les jardins du Luxembourg. Il fermait les yeux, entendait le bruit blanc de l'eau de la fontaine, et décida d'aller s'asseoir près d'elle, dont la forme circulaire lui rappelait la perfection du passé. Il s'assit, et regarda le monde, le monde qui ne s'arrêtait pas de vivre, tandis que l'homme était mort depuis bien longtemps. Le silence pesait lourd, et la solitude de l'esprit maniaque du poète le rendait presque fou. L'aliénation profonde s'était déjà emparée de lui. Et il sombrait dans la monotonie du temps, qui avançait et ne s’écoulait pas en même temps. Jacques Chapelier était un homme ivre, ivre d’espérance. Petit, et ingrat de nature, il s’était toujours promis de réussir une vie qui n’était pas la sienne. Ses cheveux grisonnants avaient oubliés la chaleur de sa jeunesse, et ses mains ridées l’apparence de son amour. Il ne vivait que pour lui, non par choix, mais parce qu’il était abandonné. Et comme les autres, il masquait sa souffrance en se disant qu’en définitive, ça n’était pas si mauvais : pas de dépendance, pas de besoin, pas de désir, pas de douleur. La contrainte du bonheur, il la connaissait, et l’idée même lui était insupportable. Peu lui important d’être vide. Il reconnaissait