Dire qu'il existe une « culture technique» au sens où il existe une culture littéraire ou musicale c'est parler improprement. En effet, la culture au sens classique d'humanitas désigne l'effort et le résultat de l'effort par lequel un individu réalise ses ressources latentes. A ce titre, l'homme cultivé diffère du rustre mais tout autant du pédant et du spécialiste : ce sont les savoirs et les moeurs propices à satisfaire les aspirations les plus radicales de l'homme en tant qu'homme qu'il a assimilés. Certes la mécanique automobile exige science et dextérité: elle est l'objet d'un métier et d'une compétence. Mais il s'agit là d'une spécialité développant une aptitude partielle et subordonnée dans l'économie de l'entreprise proprement culturelle qui consiste à bien faire l'homme. Les connaissances techniques relèvent de l'utile, non de vrai, du bien et du beau, toutes valeurs constitutives de «ordre culturel» car recherchées pour elles-mêmes.
Il est cependant paradoxal d'exclure de la culture la connaissance et l'usage des outils dès lors que ceux-ci sont incontestablement des marques symboliques par lesquelles l'homme s'élève au-dessus de la pure animalité. Surtout, les techniques appartiennent de plein droit aux moeurs transmises par éducation, à ce système d'habitudes et de représentations communes qui caractérisent un peuple. Les étapes de l'histoire humaine sont d'ailleurs marquées par les révolutions techni¬ques successives (âge de la pierre taillée, polie, des métaux). L'activité par laquelle l'homme aménage efficacement son monde afin d'y vivre chez lui relève bien de la culture.
Aussi et dès lors que l'ambiguïté du mot « culture » n'est pas pure univocité, dès lors que les moeurs sont porteuses et expressives de l'humanité – matière même de Phumanitas–, la difficulté apparaît. Comment la connaissance et la pratique d'instruments peuvent-elles concourir à l'education? Comment ce qui n'est destiné,qu'à accroître notre pouvoir peut-il contri¬buer à nous