En toute liberté Globalisation, mondialisation, révolution technologique, tous ces termes d’actualité ne s’appliquent pas à mon pauvre, mais digne petit pays quand j’ouvre les yeux sur les mornes et sur la plus belle baie du monde le 5 septembre 1927, en pleine occupation américaine. Les « Marines » avaient envahi pour la première fois notre pays en 1915. L’autoroute de Delmas en terre battue n’est fréquentée que par des litanies de bourricots. Le pays n’est pas riche, mais nos paysans cultivent encore le meilleur café du monde ; les essences de vétiver et de citron vert produites dans nos distilleries sont hautement appréciées par les parfumeurs qui ne les ont pas encore remplacées par des ersatz synthétiques ; nos arbres n’ont pas tous été coupé et transformé en charbon de bois par les charbonniers ; dans nos champs de bonne terre arable pousse la canne à sucre au lieu d’horribles constructions en béton ; la balafre taillée sur les instructions d’un président démocratiquement élu n’a pas défiguré pour les années à venir Boutilliers. Si un avion s’était posé sur la piste de l’aéroport, les passagers n’auraient pas survolé Cité Simone devenue Cité Soleil où mes malheureux concitoyens vivent dans la boue, respirent les miasmes et sont victimes de la guerre des gangs. La mer baignant les côtes, au lieu d’avoir la couleur de la fange, est d’un bleu à faire rêver. Les paysans peuvent nourrir leurs familles en cultivant leurs terres et n’éprouvent ni le besoin ni l’envie de s’installer en ville. Port-au-Prince n’est pas le cloaque que nous connaissons aujourd’hui. Nos présidents se succèdent les uns après les autres avant de le devenir à vie (abrégée il est vrai-la vie ou la présidence). Nos intellectuels et nos professionnels ne cherchent pas l’Eldorado en Afrique ou au Canada. Quand ils s’expatrient, comme je le fis, c’est pour acquérir des connaissances dont ils feront profiter le pays à leur retour. En un mot, les choses et les gens sont bien différents. J’ai vécu