En wagon
EN WAGON L'abbé les avait prévenus qu'ils seraient sous ses ordres pendant ces deux mois d'été ; et il leur fit un sermon bien senti sur leurs devoirs envers lui, sur la façon dont il entendait les gouverner, sur la méthode qu'il emploierait envers eux.
[…]
Son discours fut interrompu par un profond soupir que poussa leur voisine. Il tourna la tête vers elle. Elle demeurait assise dans son coin, les yeux fixes, les joues un peu pâles. L'abbé revint à ses disciples.
Le train roulait à toute vitesse, traversait des plaines, des bois, passait sous des ponts et sur des ponts, secouait de sa trépidation frémissante le chapelet de voyageurs enfermés dans les wagons.
Gontran de Vaulacelles, maintenant, interrogeait l'abbé Lecuir sur Royat, sur les amusements du pays. Y avait-il une rivière ? Pouvait-on pêcher ? Aurait-il un cheval, comme l'autre année ? etc.
La jeune femme, tout à coup, jeta une sorte de cri, un "ah !" de souffrance vite réprimé.
Le prêtre, inquiet, lui demanda :
- Vous sentez-vous indisposée, madame ?
Elle répondit :
- Non, non, monsieur l'abbé, ce n'est rien, une légère douleur, ce n'est rien. Je suis un peu malade depuis quelque temps, et le mouvement du train me fatigue. Sa figure était devenue livide, en effet.
Il insista :
- Si je puis quelque chose pour vous, madame ?...
- Oh ! non, rien du tout, - monsieur l'abbé. Je vous remercie.
Le prêtre reprit sa causerie avec ses élèves les préparant à son enseignement et à sa direction.
Les heures passaient. Le convoi s'arrêtait de temps en temps, puis repartait. La jeune femme, maintenant, paraissait dormir et elle ne bougeait plus, enfoncée dans son coin. Bien que le jour fût plus qu'à moitié écoulé, elle n'avait encore rien mangé. L'abbé pensait :
"Cette personne doit être bien souffrante".
Il ne restait plus que deux heures de route pour atteindre Clermont-Ferrand, quand la voyageuse se mit brusquement à gémir.