Enquête sur le malaise à la poste
Par Libie Cousteau, publié le 01/05/2012 à 12:08
Après dix ans de réformes non stop pour faire face à la concurrence et au déclin du courrier, l'entreprise publique découvre l'étendue des dégâts parmi ses agents. Son patron, Jean-Paul Bailly, a dû accepter un gel provisoire des réorganisations. Et tente de recoller les morceaux.
Une voix douce, une oreille attentive et un talent indéniable pour déminer les situations explosives. Telle est la martingale qui a permis au président de La Poste, Jean-Paul Bailly, de mener, depuis près de dix ans, des réformes structurelles d'envergure sans faire de vagues. Mais il y a quelques semaines, alors qu'il s'apprêtait à ouvrir le capital de l'entreprise aux postiers et à parachever ainsi sa grande oeuvre - la transformation de l'ancienne administration en société anonyme -, il s'est vu opposer une fin de non-recevoir catégorique. Ce symbole d'une privatisation, les agents n'en ont pas voulu. "Il manquait plus que ça ! Vouloir nous faire cautionner la casse sociale en devenant actionnaire", vitupère Jeanne (1), factrice depuis vingt-six ans.
En ce début de printemps, les postiers sont à cran. Et le consensuel Jean-Paul Bailly s'est brusquement retrouvé face à un mur. Celui de la colère, de la peur et, parfois, du désespoir. Car la crise ouverte avec la défenestration, le 29 février, à Rennes, d'un jeune cadre de 28 ans laissant une lettre évoquant son "anxiété professionnelle" et un "contexte opprimant" a mis au jour un malaise latent chez des postiers qui avaient encaissé jusqu'ici les réformes Bailly sans trop broncher. Le 8 mars, avant d'entamer la présentation des résultats financiers du groupe, le PDG le reconnaissait : "Ce drame a bouleversé toute l'entreprise." Quelques jours plus tard, un second suicide survenait, dans la même région. Un autre cadre était retrouvé pendu, chez lui. Alors, depuis, Bailly n'est plus certain de conserver l'image de patron social qu'il avait