Entre félix et elvis: le jeu du risque
Sylvain Lelièvre Auteur-compositeur-interprète, Montréal
Aussi bien l'avouer d'entrée de jeu : certains éléments de la problématique proposée m'ont paru provocants ; « le mimétisme des créateurs », « la facilité de l'imitation » et, dans ce contexte, « le défi de l'originalité » sont des expressions dans lesquelles je me suis quelque peu enfargé - non sans plaisir, d'ailleurs - , au point d'en faire le sujet de ce bref exposé. Je tenterai d'expliquer pourquoi je crois que créer, c'est imiter ; que mimer, c'est se chercher ; enfin, qu'être original n'entraîne pas forcément qu'on cherche à « faire » différent. Je m'appuierai essentiellement sur mon propre parcours de créateur, si atypique soit-il dans l'histoire de la chanson québécoise contemporaine. On y trouvera - du moins, je le souhaite - plus de traces d'américanité, c'est-à-dire une ouverture qui dit le consentement du Québec à son appartenance continentale, que d'américanisation, qui est un processus d'acculturation par lequel la culture étatsunienne influence la culture autant canadienne que québécoise (voir Lamonde, 1996 : 11).
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SYLVAIN LELIÈVRE
CRÉER, C'EST IMITER
Il n'y a pas de création sans imitation. On se souviendra sûrement que le classicisme français, au XVIIe siècle, avait fait de l'imitation des Anciens une règle absolue. Pourtant, cette camisole de force n'a pas empêché, bien au contraire, l'émergence des chefs d'œuvre intemporels de Corneille, Racine, Molière et La Fontaine. J'ai écrit mes premières chansons à l'âge de 17 ans. Je le reconnais volontiers aujourd'hui : il s'agissait d'imitations maladroites de Félix Leclerc, paroles et musique, tics vocaux en prime. Où est l'influence américaine chez Leclerc, m'objectera-ton ? Je répondrai qu'elle constitue l'un des fondements de sa manière musicale si singulière, comme l'a bien observé Marie-José Chauvin (citée dans Leclerc, 1970: 206, 212). Mais il n'est pas besoin d'être musicologue