Est-ce raisonnable d'aimer?
A première vue, et au nom de l’amour véritable et du désir de passion qui nous anime, aimer représenterait un acte si grandiose qu’il serait alors au-delà de toutes limites, limites qui caractérisent la raison. Aussi la question de la présence du raisonnable dans l’amour surprend dès l’abord et l’on s’insurge devant une telle audace : que diable la raison viendrait-elle faire là où apparemment tout n'est affaire que de sentiments, d'émotions, d’élans frisant parfois l’oubli de soi ? Comment oser vulgariser ainsi le sentiment si noble, parce qu’unique et atypique, en le qualifiant de raisonnable ? Seulement, immédiatement, le point de vue devient discutable puisque le fait même de se poser une telle question injecte une dose de rationalité dans l’acte d’aimer du fait de l’interrogation qu’il suscite. Et après tout, le verbe aimer représente un tel panel de sentiments qu’il en est bien quelques uns qui font appel à cette raison caractéristique à l’homme. Quelle est donc l'essence de l'acte d’amour : une affection pathologique irrationnelle pouvant parfois tendre vers une douce folie ou bien une collaboration inévitable du cœur et de l’esprit ? Si la question nous paraît offensante dans un premier temps et que nous lui tournons le dos en une moue méprisante et résolue, enfant boudeur, il ne nous faut pas longtemps pour regarder en arrière et reconsidérer la chose, ce même enfant saisissant l’extravagance de sa réaction et faisant timidement, mais sûrement, machine arrière. Pour en venir à découvrir que la raison, plus qu’une collègue, est en effet cette amie qu’elle prétend être, une amie qui nous veut - qui nous fait - du bien.
Cette question est tout d’abord perçue comme insidieuse, perfide. Parce que la raison se sent faible face à l’amour, elle tenterait d’y apposer son sceau à tout prix, ici en nous posant (en nous imposant ?) la question qui résonne et qui bute contre les parois de l’esprit sans rien trouver pour