Est-ce un devoir d'être heureux?
A priori, on aurait tendance à opposer le devoir, pensé comme contraignant ou, d’autre part, désintéressé, au bonheur, associé à l’idée d’une spontanéité égoïste. Pourtant, il semble bien que le bonheur fasse l’objet, tout au moins, d’un impératif social, et que le malheur fasse l’objet, lui, d’une négation : qu’on le cache, ou qu’on entende nous en soigner. Mais s’il semble absurde de se donner pour règle d’action d’être malheureux, est-ce pour autant un devoir que d’être heureux ? Car le devoir peut d’abord s’entendre dans ses multiples acceptions : quand je « dois » faire une chose, c’est qu’on m’en donne l’ordre (impératif social), que ma nature me le prescrit (nécessité naturelle), ou que ma faculté morale produit en moi un impératif (obligation morale). Mais il peut sembler paradoxal d’associer le bonheur, qui se définit comme un état de satisfaction durable, ou encore comme un accomplissement de notre nature, à un devoir. En effet, puis-je faire du bonheur un objet de ma volonté, dès lors qu’il est à la fois ce vers quoi je tends naturellement, et ce qui est lié au hasard ? Avons-nous seulement le choix d’être heureux ? Et si le bonheur est réellement ce à quoi nous tendons naturellement, n’est-il pas superflu de se le donner pour devoir ? Enfin, en quoi la quête personnelle du bonheur auraitelle une dimension morale ? Nous verrons, dans un premier temps, que le bonheur ne peut être l’objet d’une prescription morale en ce qu’il est un idéal de l’imagination et un mobile égoïste. Mais alors, peut-il faire l’objet d’une quête morale en tant que bonheur collectif ? Nous verrons enfin en quoi la quête personnelle du bonheur relève d’une exigence éthique.
1. Être heureux n’est pas un devoir
A. car on ne choisit pas d’être heureux : tout ce qu’on peut choisir est d’être vertueux Dans un premier temps, il