Est-il absurde de désirer l'impossible?
Mais si l'on pense que l'absurde renvoie à ce qui n'a absolument aucun sens, ne va dans absolument aucune direction, il est difficile de qualifier d'absurde ce désir d'un amour impossible, même s'il fait souffrir. Cet amour à sens unique peut n'être pas complètement insensé. Par exemple, il peut en apprendre beaucoup à cet homme sur lui-même, lui permettre de développer des facultés - une sensibilité, une imagination… qu'il n'aurait pas développées s'il lui avait été possible de vivre l'objet de son désir.
On le voit, la question du sujet nous oblige à en poser d'autres.
Qu'est-ce qui est important dans le désir ? Est-ce la satisfaction effective ou le fait même de désirer, d'être porté vers un objet dont on manque et dont on imagine qu'il va nous procurer une satisfaction ?
L'impossibilité est-elle objective ? Ce qui est impossible aujourd'hui le sera-t-il demain, surtout en un temps d'accélération inouï du progrès technique ? Comment alors oser qualifier d'absurde un désir visant un impossible dont nous ne pouvons être sûrs qu'il le restera ?
Enfin, l'impossible renvoie-t-il à un désir ravageur, à une utopie destructrice, ou à un idéal qui pourrait être positif, régulateur ?
Ces questionnements introductifs nous permettent de poser le problème suivant : faut-il, au nom de la souffrance, voire de la folie, qui guette celui qui désire l'impossible, qualifier d'absurde un tel désir - d'absolument irrationnel dans une logique où l'on mettrait face à face la perte et le gain ? Ne faut-il