Est-il absurde de désirer l'impossible ?
Dans notre culture, nombreux sont les récits qui relatent l'expérience d'un désir fou. C'est le cas, par exemple, de la tour de Babel ou du mythe d'Icare. Or chaque fois l'histoire finit mal : Nemrod est châtié, Icare se brûle les ailes et chute dans l'abîme. Tout se passe comme si la quête de l'inaccessible était vouée à l'échec. N'est-il donc pas absurde de désirer l'impossible ? L'absurde désigne ce qui est contraire à la logique ou ce qui n'a pas de sens. Est impossible ce qui ne peut absolument pas être (le contradictoire) ou ce qui est inaccessible du fait de l'incapacité morale ou physique du sujet. Quant au désir, il est l'expression d'un manque ou d'une puissance à vouloir quelque chose. Dès lors on peut se demander si désirer l'impossible correspond à un désir conscient qui consisterait à repousser les limites de l'humain ou s'il ne s'agit pas plutôt d'une tension inconsciente qui, malgré nous, entraîne à viser ce qui fatalement nous échappe. Dans le premier cas, l'impossible ne serait que transitoire et donc improprement nommé. Dans le second, l'impossible le serait définitivement et le désir qui le viserait nécessairement insatisfait. Tout le problème se resserre ici entre le fol espoir d'un dépassement de notre finitude et le drame d'une frustration plus ou moins volontaire. La quête de l'impossible est-elle donc pour l'homme une chance ou un risque de perdition ? On se demandera si la quête de l'inaccessible peut avoir une cause rationnelle, si se contenter de vouloir seulement le possible lui est préférable ou si finalement, en dépit de son irréductibilité,