Est-il facile de penser librement?
De tous les esclavages, l'un des moins évidents, c'est celui de la pensée. C'est aussi pour cela l'un des plus graves puisque, le plus souvent, nous n'en avons pas conscience. C'est pourquoi la philosophie s'est toujours donné pour tâche d'aider l'être humain à maîtriser ses pensées. Mais cette ambition n'est-elle pas bien difficile à réaliser ? Est-il facile de penser librement ?
La réponse immédiate est d'abord négative, dans la mesure où notre pensée rencontre de nombreux obstacles. Cependant, on verra dans un second temps que la pensée a aussi des moyens pour lutter contre ces influences pernicieuses et s'en libérer. L'ultime question sera alors, dans une troisième partie, de réfléchir sur ces moyens et de savoir si cette libération ne demeure pas, malgré tout, bien difficile.
I. Non, à cause de tous les pièges que rencontre la pensée
Nos réflexions succombent bien souvent au charme de nombreux sortilèges. On peut en distinguer deux genres principaux :
a. Les idées reçues : comme le terme l'indique, elles nous viennent de l'extérieur (le milieu social, les mass-media, etc.). Elles sont véhiculées par les usages, les éducateurs, les maîtres à penser, les politiques, etc. Ce sont des pensées que nous adoptons sans réfléchir, avant tout jugement (des préjugés). Elles s'enracinent dans l'Histoire et en tirent leur prestige.
b. Les passions : cette fois, c'est à l'intérieur même du sujet que la pensée est ensorcelée. Elle est comme paralysée par l'objet de la passion, quel qu'il soit, et doit lui obéir. D'où d'innombrables erreurs de jugement. Le sujet devient l'esclave de son corps. C'est « plus fort que lui ».
Notre pensée semble ainsi tenue en échec par le monde environnant et par la puissance de nos propres désirs, par l'Histoire et par notre corps. Mais ne lui est-il pas toujours facile de réagir ?
II. Oui, grâce à la suspension du jugement
Quelles que soient les idées que nous agressent ou