Ethos
Par Dominique Maingueneau
L'ethos, de la rhétorique à l'analyse du discours
(Version raccourcie et légèrement modifiée de "Problèmes d'ethos", Pratiques n° 113-114, juin 2002)
I
L’ethos rhétorique
En écrivant sa Rhétorique Aristote entend présenter une technè qui vise à examiner non pas ce qui est persuasif pour tel ou tel individu, mais pour tel ou tel type d’individus (1356 b 32-331).
La preuve par l’ethos consiste à faire bonne impression, par la façon dont on construit son discours, à donner une image de soi capable de convaincre l’auditoire en gagnant sa confiance. Le destinataire doit ainsi attribuer certaines propriétés à l’instance qui est posée comme la source de l’événement énonciatif.
La preuve par l’ethos mobilise « tout ce qui, dans l’énonciation discursive, contribue à émettre une image de l’orateur à destination de l’auditoire. Ton de voix, débit de la parole, choix des mots et arguments, gestes, mimiques, regard, posture, parure, etc., sont autant de signes, élocutoires et oratoires, vestimentaires et symboliques, par lesquels l’orateur donne de lui-même une image psychologique et sociologique » (Declercq, 1992 : 48). Il ne s’agit pas d’une représentation statique et bien délimitée, mais plutôt d’une forme dynamique, construite par le destinataire à travers le mouvement même de la parole du locuteur. L’ethos n’agit pas au premier plan, mais de manière latérale, il implique une expérience sensible du discours, il mobilise l’affectivité du destinataire. Pour reprendre une formule de Gibert (XVIII° siècle), qui résume le triangle de la rhétorique antique, « on instruit par les arguments ; on remue par les passions ; on s’insinue par les mœurs » : les « arguments » correspondent au logos, les « passions » au pathos, les « mœurs » à l’ethos. Pour A. Auchlin (2001 : 92), « on peut supposer que l’ethos se construit sur la base de deux mécanismes de traitement distincts, l’un reposant sur le décodage