Trois femmes puissantes Et celui qui l’accueillit ou qui parut comme fortuitement sur le seuil de sa grande maison de béton, dans une intensité de lumière soudain si forte que son corps vêtu de clair paraissait la produire et la répandre lui-même, cet homme qui se tenait là, petit, alourdi, diffusant un éclat blanc comme une ampoule au néon, cet homme surgi au seuil de sa maison démesurée n’avait plus rien, se dit aussitôt Norah, de sa superbe, de sa stature, de sa jeunesse auparavant si mystérieusement constante qu’elle semblait impérissable. Il gardait les mains croisées sur son ventre et la tête inclinée sur le côté, et cette tête était grise et ce ventre saillant et mou sous la chemise blanche, au-dessus du pantalon crème. Il était là, nimbé de brillance froide, tombé sans doute sur le seuil de sa maison arrogante depuis la branche de quelque flamboyant dont le jardin était planté car, se dit Norah, elle s’était approchée de la maison en fixant du regard la porte d’entrée à travers la grille et ne l’avait pas vue s’ouvrir pour livrer passage à son père – et voilà que, pourtant, il lui était apparu dans le jour finissant, cet homme irradiant et déchu dont un monstrueux coup de masse sur le crâne semblait avoir ravalé les proportions harmonieuses que Norah se rappelait à celles d’un gros homme sans cou, aux jambes lourdes et brèves. Immobile il la regardait s’avancer et rien dans son regard hésitant, un peu perdu, ne révélait qu’il attendait sa venue, ni qu’il lui avait demandé, l’avait instamment priée (pour autant, songeait-elle, qu’un tel homme fût capable d’implorer un quelconque secours) de lui rendre visite. Il était simplement là, ayant quitté peut-être d’un coup d’aile la grosse branche du flamboyant qui ombrageait de jaune la maison, pour atterrir pesamment sur le seuil de béton fissuré, et c’était comme si seul le hasard portait les pas de Norah vers la grille à cet instant. Et cet homme qui pouvait transformer toute adjuration de sa