Etude du pervers narcissique
Interview de Philippe Vergnes, auteur de "Le mal du siècle. Comprendre et combattre la manipulation"
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Dans votre manuscrit, vous analysez longuement la relation d’emprise, véritable "main basse sur l’esprit" selon le psychanalyste Saverio Tomasella, qui permet de pendre le pouvoir sur quelqu’un. En quoi consiste-t-elle ?
Nous pourrions le définir en un seul mot : "décervelage". Le processus en œuvre dans le décervelage consiste en une perte progressive des capacités psychiques d’une personne soumise à des manipulations quotidiennes qui agissent comme des micros agressions. Le poison est instillé à dose homéopathique. Le manipulé devient peu à peu inapte à opérer la distinction entre ce qui est bon ou mauvais pour lui et n’a pas conscience de ce "décervelage". Incapable de discernement, privé de ses capacités d’analyse, de son esprit critique et de son libre arbitre, il obéit aux injonctions du manipulateur sans résistance. D’où la passivité qui caractérise une personne assujettie. Par ailleurs, la relation d’emprise est encore mal analysée, il en résulte des conclusions erronées et de nombreuses idées reçues qui sont fausses.
Comme le fait de penser que les personnes manipulées sont "faibles" ?
Tout à fait. Ce qu’elles ne sont pas. Ce sont même souvent les personnes les plus "intelligentes", dans le sens de "brillantes", qui sont paradoxalement le plus "sensibles" (ou les plus exposées) aux techniques de manipulation. Philippe Breton, l'un des meilleurs spécialistes français de la parole et de la communication, explique cela dans son livre, intitulé : "La parole manipulée" (édition La Découverte), récompensé en 1998 par le prix de philosophie morale de l'Académie des sciences morales et politiques. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que la manipulation instaure une relation d’emprise totalement asymétrique, d’autant plus forte