Etude pélican
Jésus-Christ : « mon Dieu, mon Dieu, Pourquoi m’as-tu abandonné ? » au moment de sa mort.
Les deux premiers vers énoncent la thèse romantique de la souffrance comme moteur de la création : "Les chants désespérés sont les chants les plus beaux / Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots." Cela rappelle au passage que Chant = poésie lyrique, celle qui est destinée à exprimer les sentiments intimes, de préférence mélancoliques. Plaisir esthétique du sanglot, il y a là quelque chose qui peut paraître malsain, de masochiste; en tous les cas, cela confirme la nature tourmentée du poète.
Les deux premiers vers (9-10) présentent le pélican de retour d'un long voyage, thème cher à la poésie lyrique depuis Du Bellay (Heureux qui, comme Ulysse...), mais ici de façon négative : "lassé", "dans les brouillards". Le verbe "retourne" au présent narratif installe aussi une action habituelle et répétitive, ce que confirmera plus bas l'adverbe "parfois" (v. 29).
Mais quel crime a bien pu commettre cet être pour qu'au vers suivant "le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte" (v. 19), dans une hyperbole insistant sur sa souffrance infligée comme une punition ? L'aspect sanguinolent trouve une explication avec le don total : "il apporte son cœur", parce qu'il n'a rien trouvé à donner à manger dans une rythme ternaire : "mers fouillées en vain", "océan vide", "plage déserte" (v. 20-21). Si bien que la seule "profondeur" qui soit bénéfique est celle de "sa poitrine" : son cœur, qui se lit au sens concret bien sûr (avec le sang d'une blessure physique), mais aussi au sens abstrait (donc deuxième syllepse), du fait qu'échouant dans la nourriture matérielle, il ne lui reste plus que la spirituelle : cœur à prendre au sens métonymique des sentiments, ici de dévouement,