Etude sur gorgias
Introduction Si nous entendons fréquemment parler de respect des droits de l’homme, c’est, semble-t-il parce qu’il faut sans cesse réaffirmer certaines valeurs face à des politiques qui déterminent le droit par le fait, défient la morale, et ne connaissent pour borner leurs excès que les limites de leur propre puissance. Cette opposition entre ce qui ne se réfère qu’à la Nature, et ce qui est selon la Loi, Platon la manifeste déjà dans le Gorgias, où l’on entend par la voix de Calliclès un éloge effréné de la force et l’exposé d’une morale individualiste visant le seul plaisir, devant lesquels Socrate demeure mesuré et maître de lui. Et ce sont bien deux morales et plus profondément deux politiques et même deux conceptions de la vie qui s’affrontent ici dans ce dialogue. Aussi étudierons-nous la morale que Calliclès propose, sa critique de la modération et de la justice, qu’il conçoit comme des faiblesses, avant de mesurer la justesse de ses conceptions et d’en déterminer les éventuelles limites.
Développement Dans cette intervention violente, polémique, provocante et peut-être pleine d’une rude santé, Calliclès nous dit ce qu’est pour lui la vie heureuse, et cette morale est manifestement hédoniste (plaisir). C’est là une manière d’être qui suppose un certain nombre d’achèvements. En cela elle rejoint bien l’idée même de la morale antique pour laquelle le Souverain Bien peut être atteint dès la vie présente : vivre heureux, c’est vivre une certaine plénitude, un certain accomplissement. Et il n’y a nul doute pour Calliclès qu’on puisse vivre parfaitement heureux. Il nous dit d’ailleurs en quoi consiste négativement et positivement ce bonheur : négativement, être heureux, c’est ne dépendre de personne et n’être soumis à personne. Positivement, c’est jouir au maximum des potentialités même de la vie, ou tout au moins de ce que Calliclès considère comme les potentialités de la vie : à savoir les passions, les désirs ; ce qui