Exemple de préfaces pour anthologie poétique
1. L’« inventeur » de la forme
Nulle paix je ne trouve, et je n’ai pas de guerre à faire :
Je crains et j’espère ; je brûle et je suis de glace.
Et je vole au plus haut des cieux, et je gis à terre ;
Et je n’étreins nulle chose, et j’embrasse le monde entier.
Qui me garde en prison la porte ne m’ouvre ni ne ferme,
Ni ne me tient pour sien, ni ne défait les liens ;
Amour ne me tue pas et ne m’ôte pas mes fers,
Ne me veut pas vivant, et ne vient pas à mon secours.
Je vois et n’ai point d’yeux, et sans langue je crie ;
Et je désire périr, et demande de l’aide ;
Et pour moi je n’ai que haine et pour autrui qu’amour
Je me repais de ma douleur, et en pleurant je ris ;
Également m’insupportent vie et mort :
En cet état je suis, Madame, pour vous.
Pétr arqu e (Ital ie, XIV e s.), Le chan sonn ier, trad uctio n de Jean -Cla ude Mon nere t
2. XVIe siècle
Quand j’écoute l’horloge égreneuse du temps
Et vois le jour se fondre en nuit hideuse et noire,
Violette, à mes yeux s’effacer ton printemps
Et les boucles de jais prendre pâleur d’ivoire,
Les grands arbres encor des feuilles dépouillés
Dont le troupeau lassé cherchait l’abri naguère,
Les verts épis de juin en gerbes reliés,
Hirsutes et blanchis portés sur une bière,
Alors sur ta beauté je rêve et j’aperçois
Qu’il te faudra du Temps joindre l’empire sombre,
Car douceurs et beautés, oublieuses de soi,
Meurent dès qu’elles voient leurs soeurs sortir de l’ombre ;
Et, sinon des enfants, qui te protègera
Contre la faux du temps lorsqu’elle t’atteindra ?
Will iam Shak espe are (Ang leter re, XVIe s.)
Trad uctio n Jean Mala plate
Tandis que pour ternir l’éclat de tes cheveux,
Le soleil, or poli, vainement étincelle ;
Tandis qu’avec mépris au milieu de la plaine
Ton front blanc se compare à la beauté d’un lis ;
Tandis que pour cueillir chacune de tes lèvres
Vont après toi plus d’yeux qu’après