Explication d'un texte philosophique d'émile chartier, dit alain, propos (1924)
Ce qu’Alain identifie sous le nom de « passion » dans ses Propos – probablement en raison de son sens étymologique, lié au pathos, la souffrance – c’est cette conscience réflexive qui a le pouvoir d’aller à l’encontre des intérêts primaires de l’homme et de créer des conflits internes.
Selon Alain, au nom de la nature humaine, nous devons fuir ces passions, et serait indigne de l’homme d’en posséder. Au contraire, ce qui est digne de l’homme, c’est d’avoir un comportement toujours en conformité avec la raison. Cet idéal était, dès l’antiquité, l’idéal auquel tendait le sage. La figure du sage désigne celui qui a su maîtriser ses passions, qui vit avec modération, loin de tout emportement passionnel. Mais les passions humaines excluent-elles vraiment toute conscience ? N’est-il pas précipité de les juger comme toujours mauvaises et de les opposer à la raison ?
*
Le raisonnement d’Alain réside dans l’opposition récurrente entre la passion et la raison. La thèse qu’il développe est que ce qui différencie l’homme de l’animal c’est la conscience, ce qui, par ailleurs, n’est pas novateur comme théorie, ce qu’il démontre alors par l’incapacité chez l’animal de préméditation (« point de passions » (ℓ.1), « selon l’occasion » (ℓ.2), « peur » (ℓ.3), mort). Ainsi, sur fond de cette opposition sensée, la démonstration d’Alain tire sa force d’un approfondissement successif : il passe de l’inconscience des animaux à celle de l’homme, quand il agit de manière opinée, « sans hésitation, sans délibération » (ℓ.10), sans réflexion préalable.
Quand Alain énonce que « Les animaux, […] n’ont pas de passions » (ℓ.1), il veut dire par là que rien, en interne, ne vient mettre en cause les nécessités premières de leurs réactions au regard de leur environnement immédiat : ils ne savent ni résister, ni se soumettre « volontairement ». Il appuie ici que l’instinct interdit à l’animal de ne pas adhérer à ce qu’il vit, alors