Lise s’amusait d’un rien, en l’occurrence demoi. Ce vendredi-là, une imposante voiture noire nous attendait en bas de chez elle. C’étaitlafindejournée.Lecield’automne lentement s’assombrissait. Le chauffeur, en nousvoyantapprocher,étaitsortidelaMercedes pour nous ouvrir les portes. Assis à l’arrière de la grosse berline, nous avions longé les quais de la rive gauche jusqu’au pont d’Iéna pour atteindre quinze minutes plus tard la rue Bois-le-vent où résidait Moune,lagrand-mèredeLise.Lechauffeur était à nouveau sorti et avait aidé la vieille dameàs’asseoiràl’avant.Jem’étaisprésenté, nousavionséchangéquelquesmots,puisla voitureétaitpresqueaussitôtrepartie.Après le pont de Grenelle, nous avions bifurqué 11 vers le sud pour rejoindre l’autoroute, sur laquelle nous roulions maintenant depuis quarantekilomètres. Lise venait de poser son sac entre nous. Elle en avait retiré un carnet à dessin ainsi qu’unetrousseencuirmolle.Soncrayonàla main,ellem’observait.Surlafeuille,ellese mitàtracerdegrandstraitsnoirsenmordillantsalèvreinférieure.Trèsconcentrée,elle penchaitdetempsentempslatête.Moi,je neportaissurledessinqu’unevagueattention, ramenant toujours mon regard sur la route. Ne voyant pourtant que mon profil, elle avait choisi de me représenter de face. C’étaitcommesiellesemoquaitdelaréalité et préférait se concentrer sur sa vision des choses,surlaperceptionqu’elleavaitdemoi. Ou,plussimplement,ellenesavaitpasdessiner. Voilàplusieurssemainesquej’étaisdevenu son professeur particulier. Peu importe où nousnousétionsrencontrés,jemesouviens 12 seulement que c’était elle, du haut de ses quinzeans,quim’avaitsollicitépourluidonnerdescours.Nousnousvoyionschezelle uneoudeuxfoisparsemaine.Àcequej’avais crucomprendre,sesparentsvoyageaientsouvent,sanscesseparmontsetparvaux,aussi étions-nous généralement seuls dans cette grandemaison,quin’étaitpasàproprement parlerunemaisond’ailleurs,maisplutôtun appartement, un grand triplex au cœur du Quartierlatin.Jen’avaiscroisésamèrequ’en coup de