Extrait de sainte-beuve
Charles Augustin Sainte-Beuve
(1804-1869)
Volupté (IV)
Extrait
[Volupté date de 1834. C’est un roman introspectif dans lequel le narrateur, Amaury, ressemble assez à Sainte-Beuve pour que le livre puisse se considérer comme semi-autobiographique. L’auteur lui-même fit savoir que les personnages et les situations en étaient tirés de la vie réelle.
Un prêtre, en route pour les Amériques, écrit durant son voyage pour le bien spirituel d’un ami resté en France. En fait, les années passées en revue sont celles qui ont précédé l’ordination. Outre certaines allusions politiques, le thème principal est la frustration, la mélancolie et l’interrogation du héros. Volupté appartient à la veine intimiste qui court tout au long de la littérature française depuis La Princesse de Clèves. À bien des égards aussi, il ressemble à René (Chateaubriand), Adolphe (Benjamin Constant), Les Confessions d’un enfant du siècle (Musset) : la sensualité aiguë, parfois grossière, se heurte au désir de spiritualité et de raffinement intellectuel. La sublimation se fera en religion, malgré de violentes crises de doute, de tentations et aussi d’extase mystique.
La fin du livre devient plus dramatique : Amaury est appelé auprès de Madame de Couaën mourante pour les derniers sacrements. Or c’est elle qu’il a adorée, en toute pureté malgré son désir déclaré coupable, mais aussi en vain car elle est restée un modèle de vertu conjugale et maternelle.]
Je n'étais pourtant pas encore pris d'amour, mon aimable ami, - non, je ne l'étais pas. Dans ces bosquets où, un livre à la main comme prétexte de solitude en cas de rencontre, je m'enfonçais avant le soir ; en mes après-dînées silencieuses durant cet automne de la journée, où les ardeurs éblouissantes du ciel s'étalent en une claire lumière, si largement réfléchie, et où la voix secrète du cœur est en nous la plus distincte, dégagée de la pesanteur de midi et des innombrables désirs du matin à ces moments de