Extrait de sénèque "la vie heureuse"
De ce qu’il est rare qu’un homme soit réellement et intégralement vertueux, faut-il conclure que le devoir est une exigence utopique ? Répondant à cette critique régulièrement adressée aux stoïciens, Sénèque montre ici que non : le devoir est un idéal, certes, mais qui, même lorsqu’il n’est pas totalement accompli, a néanmoins des effets sur la réalité et sur la conduite des hommes.
Celui qui a pris les résolutions suivantes : "Moi, je ferai la même figure devant la mort, que j’en entende parler ou que je la voie. Moi, je me soumettrai à toutes les tâches, si rudes soient-elles, l’âme étayant le corps. Moi, je mépriserai tout autant les richesses présentes ou absentes, sans être plus triste si elles sont chez les autres, ni plus fier si elles m’environnent de leur éclat. Moi, je ne m’apercevrai pas de la Fortune, qu’elle s’approche ou se retire. Moi, je regarderai toutes les terres comme miennes, les miennes comme celles de tous. Moi, je vivrai avec la pensée que je suis né pour d’autres et j’en remercierai la nature. Comment, en effet, aurait-elle pu mieux sauvegarder mes intérêts ? Elle a donné moi seul à tous, tous à moi seul. Tout ce que j’aurai, je n’en ferai ni économie sordide, ni gaspillage. Rien ne me paraîtra mieux en ma possession que ce que j’aurai donné à bon escient. Je n’évaluerai les bienfaits ni au nombre, ni au poids, mais uniquement d’après l’estime que j’aurai pour le bénéficiaire. Jamais ce ne sera trop à mes yeux, si l’obligé le mérite. Je ne ferai rien pour l’opinion, tout pour ma conscience. Je croirai que tout le monde me regarde alors que je serai seul témoin de mes actes. Je n’aurai d’autre but en mangeant et en buvant que d’apaiser mes besoins naturels, non de me remplir le ventre et de le vider. Agréable à mes amis, doux et indulgent envers mes ennemis, je me laisserai fléchir avant d’être prié et j’irai au-devant des requêtes honorables. Je saurai que ma patrie est l’univers et que les