Extrait de texte de george burdeau (l'etat)
Les difficultés que le langage éprouve à rendre compte de l'État proviennent de ce qu'il n'appartient pas au monde des phénomènes concrets. Nul ne l'a jamais vu. Et comme on ne peut cependant douter de sa réalité, c'est qu'elle est d'ordre conceptuel. L'État est une idée.
• L'État comme artifice
Si l'État est une idée, il n'existe que parce qu'il est pensé. C'est dans la raison d'être de cette pensée que réside son essence. Cette raison n'est pas mystérieuse ; elle est d'une simplicité aveuglante : l'homme a inventé l'État pour ne pas obéir à l'homme. L'idée de l'État procède du souci de détacher les rapports d'autorité à obéissance des relations personnelles de chef à sujet. Il suit de là que l'État est le support d'un pouvoir qui transcende la volonté individuelle des personnalités qui commandent.
Si toutes les sociétés politiques, depuis les plus primitives jusqu'aux plus raffinées, comportent toujours un pouvoir prétendant prendre en charge les intérêts communs du groupe, ce pouvoir ne revêt pas toujours les mêmes formes. Dans les peuplades primitives, il est anonyme en ce sens qu'il s'identifie au pesant conformisme qu'imposent les traditions, les coutumes ou les croyances. À un stade plus évolué, lorsque les nécessités économiques ou les luttes avec les groupes voisins exigent l'intelligence et l'initiative d'un chef, le pouvoir s'incarne dans un homme, le plus fort, le plus sage ou le plus habile. Peu importe la manière dont il est désigné ; ce qui caractérise son autorité, c'est qu'il l'exerce comme une prérogative qui lui est personnelle parce qu'il ne la doit qu'à des qualités qui lui sont propres. C'est cette forme de pouvoir que Max Weber qualifie de pouvoir charismatique. Elle s'établit partout où le chef commande parce qu'il est lui et non un autre. Les relations de commandement à obéissance sont des relations personnelles dont le régime féodal illustre la généralité.
Seulement, ce pouvoir