Extraits tirés du paradoxe de la morale de Jankélévitch. Collection Point Philosophie n°203 Seuil

Chapitre I n La philosophie morale apparaît comme le comble de l’ambiguïté et de l’insaisissable ; elle est l’insaisissable de l’insaisissable. n La moralité est co-essentielle à la conscience, la conscience est toute entière immergée dans la moralité ; il s’avère après coup que l’a priori moral n’avait jamais disparu, qu’il était déjà là, qu’il était toujours là, apparemment endormi, mais à tout instant au bord du réveil ; la morale, parlant la langue de la normativité, voire du parti pris, prévient la spéculation critique qui la conteste, car elle lui préexistait tacitement. P8 n Tout ce qui est humain pose donc tôt ou tard, par un côté ou par un autre, sous une forme ou sous une autre, un problème moral. n “La vertu n’était donc ni une potentialité inerte et purement logique, fortuitement suscitée par quelque accident de parcours, ni une aptitude immuable, une aptitude prédestinée inscrite par avance dans le caractère” p12 n “Et, de même, la possibilité permanente d’une violente insurrection morale, capable d’éclater à tout moment et de franchir ainsi le seuil du scandale, atteste, quoique d’une manière toujours un peu ambigüe, notre besoin de justice ; la flamme de la colère et de l’indignation morale n’était pas éteinte, elle était seulement en veilleuse. C’est ici, dans la flambée passagère de l’émotion, dans l’attendrissement de la pitié et dans les emportements de colère, que se manifeste une vie morale soudainement réveillée de son apathie” p12 n “La conscience est un dialogue sans interlocuteur, un dialogue à voix basse, qui est en vérité un monologue. Et quel nom donner en effet à ce double qui partout me tient compagnie, me suivant ou me précédant, et pourtant me laisse seul avec moi-même ? Quel nom donner à celui qui est ensemble moi-même et un autre, et qui n’est pourtant pas l’alter ego, l’allos autos aritotélicien ? Qui est toujours