Faut-il toujours préférer la vérité à l'illusion ?
Dans sa piécette Boubouroche (1893), Georges Courteline met en scène le trio classique du théâtre comique : Boubouroche, sa maitresse Adèle et le jeune amant de celle-ci. Le voisin de palier prévient Boubouroche des infidélités quotidiennes d'Adèle, mais celui-ci ne veut rien entendre : Adèle partage, en fait, son appartement avec son jeune amant, qui se cache dans le placard à chaque visite de Boubouroche. Pris d'une terrible colère, Boubouroche se rend chez Adèle, surprend effectivement le jeune amant dans le placard. Mais devant l'évidence des faits, Adèle reproche à Boubouroche sa vulgarité et lui signifie : « Le mieux est de nous quitter ». Aussitôt Boubouroche se ravise, admet ses torts, se fait pardonner par Adèle et retourne sa colère contre le voisin de pallier : « Vous êtes un vieux daim et une poire ». Leçon : la passion amoureuse se joue de, « illusionne », au point de perturber la perception de l'évidence la plus grande. Boubouroche a vu l'amant dans le placard, mais pour les beaux yeux d'Adèle, il ne voit pas l'évidence : qu'il est quotidiennement trompé par la femme qu'il entretient. Comment peut-on être aveugle à ce point, les yeux grands ouverts rivés sur l'amant dans le placard ? On dira que la passion empêche de voir, pourtant Boubouroche a vu ! Comment peut-on voir la réalité et pourtant ne pas la voir ? Comment désillusionner l'homme qui, pourtant, a déjà vu la réalité, l'amant dans le placard ? Voir la réalité, s'en faire une idée vraie, est une injonction qui nous est faite dès le plus jeune âge et qui porte notre culture depuis ses origines grecques. Mais comme on dit : « la vérité blesse ». Œdipe ne se crève-t-il pas les yeux pour ne plus voir les crimes qu'il a commis ? La vérité exigeait-elle le sacrifice du bonheur procuré par l'illusion. Faut-il placer plus haut que tout la valeur que représente la vérité ou bien faut-il reconnaître une nécessité et une utilité à l'illusion ? Il y va