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Un jour, maigre et sentant un royal appétit,
Un singe d'une peau de tigre se vêtit.
Le tigre avait été méchant, lui, fut atroce.
Il avait endossé le droit d'être féroce.
Il se mit à grincer des dents, criant : « Je suis
Le vainqueur des halliers, le roi sombre des nuits ! »
Il s'embusqua, brigand des bois, dans les épines ;
Il entassa l'horreur, le meurtre, les rapines,
Egorgea les passants, dévasta la forêt,
Fit tout ce qu'avait fait la peau qui le couvrait.
Il vivait dans un antre, entouré de carnage.
Chacun, voyant la peau, croyait au personnage.
Il s'écriait, poussant d'affreux rugissements :
Regardez, ma caverne est pleine d'ossements ;
Devant moi tout recule et frémit, tout émigre,
Tout tremble ; admirez-moi, voyez, je suis un tigre !
Les bêtes l'admiraient, et fuyaient à grands pas.
Un belluaire vint, le saisit dans ses bras,
Déchira cette peau comme on déchire un linge,
Mit à nu ce vainqueur, et dit : « Tu n'es qu'un singe ! »
Quelques pistes possibles à explorer
La part de tradition dans cette fable : un "à la manière de", un pastiche réussi, appliqué de La Fontaine : * animalité et humanité, le discours et les rugissements, le grincement des dents, l'antre entouré de carnage (la cour) * vivacité du récit : introduction et situation initiale (2 vers), Modification et transformations (en deux phases : il se mit ... qui le couvrait // Il vivait ... à grands pas), renversement brutal et rapide (trois derniers vers) après le discours du fanfaron * morale incluse dans le récit et le discours : réussite devant les bêtes et échec devant le belluaire * à rapprocher de deux fables de la Fontaine :
Le Loup devenu berger (III, 3 => Tiens donc, serait-ce un hasard ?)
L'Âne vêtu de la peau du Lion (V, 21)
Transition : même si la morale générale, la tromperie toujours mise à jour, (cf La Fontaine III, 3) est toujours là, Hugo utilise la fable à des fins bien plus précises, pour condamner tout