Fidélité à soi-même
situation : si la fidélité est une vertu, c’est qu’elle implique du mérite : la fidélité relève du devoir, non de la spontanéité : pourquoi ? D’une part parce sans fidélité à soi on voit mal comment on pourrait être fidèle à autrui, si bien que l’infidélité à soi-même impliquerait l’impossibilité de s’engager et de tenir parole : morale, société et politique deviendraient inconcevables. Or, « on ne descend jamais deux fois dans le même fleuve » (Héraclite) : en détruisant l’identité de ceux qui ont contracté un engagement, le temps ne défait-il pas tous les serments? problématique : penser la fidélité à soi-même revient donc à se demander comment il est possible de rester le même en dépit du temps : sur quoi alors fonder la permanence du moi ? A supposer que celle-ci ne soit pas illusoire, comment le moi actuel peut-il s’engager pour le moi futur sans abolir sa liberté de choix, sa capacité d’initiative en tant qu’elle comporte le pouvoir de rebondir, de faire table rase du passé, de repartir à zéro ? Si le sujet est liberté radicale, la fidélité à soi ne serait-elle pas paradoxalement trahison de soi ? démarche : tout en examinant les conditions de la permanence du soi, il faudra vérifier pas à pas ce que signifie être fidèle à soi. Il se pourrait ainsi que, si l’identité à travers le temps est impensable, la fidélité soit inaccessible. Si à l’inverse le temps n’est qu’illusion, si l’identité est une donnée stable et inexpugnable, c’est l’infidélité qui devient impossible... mais la fidélité cesse alors d’être une vertu, elle devient une fatalité. Enfin si l’on peut penser l’identité de manière souple, temporelle et dialectique, on peut concevoir une fidélité à soi qui soit autre chose qu’immobilité intellectuelle et psychorigidité mentale.
I-Exposé et discussion de la Thèse 1 : impossibilité de l’identité dans le temps, donc de la fidélité. A) exposer la doctrine d’Héraclite qui