Fin de partie, de beckett : tragédie ou comédie ?
Éléments tragiques, éléments comiques
La pièce ne s'inscrit pas de façon monolithique dans la tragédie, ni dans la comédie. Elle est parsemée d'indices qui font vers l'un ou l'autre de ces genres.
La marque la plus évidente de référence à la comédie traditionnelle est sans doute la relation entre Clov et Hamm, qui reproduit le rapport maître/valet au cœur de nombreuses oeuvres et de Plaute ou de Molière. Mais cette relation apparaît outrée, poussée à l'extrême, dès la première tirade de Clov : "On ne peut plus me punir.[...] je regarderai le mur, en attendant qu'il me siffle" (p.14). Derrière l'idée de punition se profile l'image stéréotypée de la bastonnade du valet dans la comédie classique, mais le verbe "siffler" témoigne d'un abaissement du serviteur au rang animal moins acceptable Par ailleurs, une fois le dialogue mis en route, le lecteur ou le spectateur peut reconnaître des procédés du comique de mots : inconsistance des paroles, inversions de clichés ("si vieillesse savait" p.22), jeux de mots reposant sur l'homophonie et sur une connivence culturelle, tels que "Mané, mané ? Des corps nus ?" (p.24), où l'on peut voir un double allusion à la bible (la prophétie "Mané Thecel Pharès" dans le livre de Daniel) et à Manet, peintre du XIXème siècle qui a représenté des corps de baigneuses et de femmes nues, mais aussi un clin d'œil aux cornues de l'alchimie.
Les indices renvoyant à la tragédie ne sont pas moins clairs. Le personnage de Hamm, par sa cécité, peut rappeler le devin aveugle