Le marché boursier et le financement des entreprises françaises (1890-1939)1
Pierre-Cyrille HAUTCŒUR

Cet article constitue un résumé de ma thèse de doctorat soutenue sous le même titre à l'Université de Paris I Panthéon-Sorbonne en 1994. Il a été publié dans les Actes du Congrès international d’histoire économique, volume Recent doctoral research in economic history, Madrid, 1998.

La France de la fin du XIXe siècle et du début du XXe présente un paradoxe intéressant. D’un côté, il s’agit clairement d’une économie dans laquelle le marché financier est largement développé et a un rôle macroéconomique essentiel: il autorise une dette publique importante dont la négociation détermine les taux d’intérêt à long terme, et facilite l’adaptation de l’économie aux chocs extérieurs en ajustant les prix relatifs des titres nationaux et étrangers. Pourtant, le rôle micro-économique du marché financier est moins clair. Au début des années 1890, la plupart des titres cotés sont publics ou semi-publics (ainsi ceux des grandes compagnies de chemins de fer ou du Crédit foncier) tandis que le nombre de titres privés est encore très faible (il en est de même aux Etats-Unis, mais non en Grande-Bretagne). Malgré l’augmentation des années qui suivent, on peut douter que la Bourse joue un rôle substantiel dans le financement des entreprises privées et donc dans leur développement. On peut rattacher cette observation à une question théorique qui est en quelque sorte la version “financière” du vieux débat entre la banking school et la currency school, à savoir celle de l’efficacité relative des systèmes financiers centrés sur le marché et de ceux centrés sur les banques. Cette opposition est généralement abordée en examinant l’activité des banques pour déterminer dans quelle mesure elles contribuent à l’investissement. A l’inverse, l’observation ci-dessus nous suggère d’examiner d’abord la contribution du marché boursier (le marché par excellence) au financement des entreprises. Nous