Fénelon, télémaque
Fénelon met en scène dans le Télémaque le parcours géographique et intellectuel du fils d’Ulysse parti à la recherche de son père, pourtant, un pays mentionné ne sera visité ni par l’élève ni par le précepteur : il s’agit de la Bétique que Fénelon présente comme une utopie. L’utopie étant déjà un pays parfait, mais irréel, nous essayerons de voir quelle est son utilité dans cette œuvre didactique, quels sont les éléments sur lesquels veut insister Fénelon dans sa présentation et quels sont les moyens qu’il a utilisé pour ne pas faire de cet épisode une sorte de parenthèse dans l’économie générale de l’œuvre ?
I. Mise en scène de l’utopie :
a. organisation de sa présentation
C’est un topos de la littérature depuis Platon et l’œuvre homonyme de Th. Moore. Il s’agit d’évoquer un « pays imaginaire » qui ne peut se situer, ne se trouver en « aucun lieu » » où un gouvernement idéal règne sur un peuple heureux » d’après la définition du Robert. Fénelon a choisi de concentrer cette évocation dans la description des lieux mêmes en dehors de toute action, puisque l’action qui est habituellement rejetée dans les marges – elle se réduit le plus souvent au voyage qui a amené et qui ramène - est ici tout simplement gommée. Ce voyage est tout de même mentionné auparavant p. 249 lorsqu’Adoam reconnaît télémaque. « (Mon frère) me fit aller au-delà de toutes les mers dans la fameuse Bétique, auprès des colonnes d’Hercule »
Cette évocation principalement picturale comme le souligne le verbe utilisé par Adoam pour introduire l’évocation de la Bétique « dépeindre » p.263 se fait à plusieurs voix. Adoam en est le protagoniste principal comme le soulignent les adjectifs axiologiques présents dans son récit cf. « heureux hymen » p.263, « belle laine » p.264 etc …., mais pour ne pas lasser son lecteur par une description uniforme, Fénelon y mêle d’autres voix. Celle de Télémaque qui pose trois questions à Adoam sur la Bétique