La peinture de Severini ne peut s’appréhender sans ce lien étroit avec le monde littéraire qu’il côtoie à Paris autant qu’en Italie. A Paris, son mariage en 1913 avec Jeanne, la fille de Paul Fort, le rapproche encore du « Prince des poètes », qui était pour lui, bien avant de devenir son beau-père, le fondateur de la revue Vers et Prose. Du côté italien, c’est probablement par Marinetti (qui, dans sa revue Poesia, défendait déjà le vers libre) que Severini est entré en contact avec Paul Fort. La présence des mots en liberté dans la peinture de Severini est indissociable du Manifeste technique de la littérature futuriste publié par Marinetti en 1912. Dans Tramway en mouvement (1913, collection particulière) les noms des gares écrits dans le tableau donnent l’impression au spectateur d’être entre le départ et l’arrivée et aux deux endroits à la fois6. Plus encore, dans Canon en action (Mots en liberté et formes) (ill. 4), les mots recouvrent l’image et la complètent puisqu’elle ne peut, à elle seule, rendre l’expérience perceptive, psychique, mentale, totale, du tir d’un canon en action. La disposition des mots en trajectoires linéaires souligne l’orientation dynamique des formes ; les onomatopées étirent les mots, les font résonner, comme dans la poésie futuriste.
La « querelle de la simultanéité » qui a divisé cubistes et futuristes en 1913-1914 caractérise bien la frontière poreuse qui sépare les deux mouvements et la proximité avec l’orphisme de Delaunay transparaît devant Expansion sphérique de la lumière centripète et centrifuge. Simultanéisme (ill. 5).