gaoxingjian
La raison d'être de la littérature
Je ne sais si c'est le destin qui m'a poussé à cette tribune. Pourquoi ne pas appeler destin le hasard forgé par une série d'heureuses coïncidences? Je ne parlerai pas de l'existence de Dieu; face à cette énigme, j'ai toujours éprouvé le plus grand respect, bien que je me sois toujours considéré comme athée.
Un individu ne peut devenir un dieu et encore moins se mettre à la place de Dieu lui-même. Qu'un surhomme domine le monde ne peut que créer plus de désordres pour celui-ci, le rendre plus chaotique. Au cours de ce siècle post-nietszchéen, les catastrophes que l'homme a provoquées ont laissé dans l'histoire de l'humanité les pages les plus noires. Les paroles folles d'un philosophe narcissiques à l'extrême ne sont cependant rien en comparaison des crimes engendrés par le perpetuel recours à la violence de tous ce surhomme qu'on appelle dirigeants du peuple, chef d'État, commandants supprêmes des nations. Je ne voudrais pas abuser de cette tribune littéraire pour trop parler de politique et d'histoire. Je voudrais seulement profiter de l'occasion qui m'est offerte pour faire entendre la voix d'un écrivain, la voix d'un individu.
L'écrivain est un homme ordinaire, peut-être est-il plus sensible, et les hommes trop sensibles sont toujours fragiles. L'écrivain ne s'exprime ni en porte-parole du peuple in en incarnation de la justice; sa voix est forcément faible, cependant c'est précisément la voix de cette sorte d'individu qui est beaucoup plus authentique.
Ici je voudrais dire que la littérature ne peut être que la voix d'un individu, et qu'il en a toujours été ainsi. Quand la littérature devient ode à un pay, etendard d'une nation, voix d'un parti, porte-parole d'une classe ou d'un groupe, quels que soient les moyens utilisés pour la diffuser, aussi puissant que puisse être son rayonnement, même si elle va jusqu'à recourvir ciel et terre, elle ne pourra évider de perdre sa vraie nature, elle ne sera