Victor HUGO (1802-1885)

Ce siècle avait deux ans
Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte,
Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte,
Et du premier consul, déjà, par maint endroit,
Le front de l'empereur brisait le masque étroit.
Alors dans Besançon, vieille ville espagnole,
Jeté comme la graine au gré de l'air qui vole,
Naquit d'un sang breton et lorrain à la fois
Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix ;
Si débile qu'il fut, ainsi qu'une chimère,
Abandonné de tous, excepté de sa mère,
Et que son cou ployé comme un frêle roseau
Fit faire en même temps sa bière et son berceau.
Cet enfant que la vie effaçait de son livre,
Et qui n'avait pas même un lendemain à vivre,
C'est moi. -

Je vous dirai peut-être quelque jour
Quel lait pur, que de soins, que de voeux, que d'amour,
Prodigués pour ma vie en naissant condamnée,
M'ont fait deux fois l'enfant de ma mère obstinée,
Ange qui sur trois fils attachés à ses pas
Épandait son amour et ne mesurait pas !
Ô l'amour d'une mère ! amour que nul n'oublie !
Pain merveilleux qu'un dieu partage et multiplie !
Table toujours servie au paternel foyer !
Chacun en a sa part et tous l'ont tout entier !
1830
Les feuilles d’Automne.

Victor Hugo (1802-1885)

Les écrits de l'exil
Il devra s’exiler après le coup d’Etat du 2 décembre 1851, qu’il condamne avec force. Pendant cette longue période de 20 ans, il vivra en Belgique, à Jersey et Guernesey. Loin de freiner sa créativité, il l’alimente au contraire avec, entre autres, Les Châtiments, écrits en 1853 et qualifiés de «vers de combats», puisqu’il s’attaque à Napoléon III et à son coup d’Etat. Les Misérables sera également écrit pendant cette période.
Refusant l’amnistie, il ne rentrera à Paris qu’après l’avènement de la IIIe République en 1870.

Sa lutte incessante contre la peine de mort
Cette conviction lui vient très jeune. Lors de ses voyages avec son père dans des pays occupés par l’armée