Gouvernance
ET GOUVERNANCE DES ENTREPRISES
ESTHER JEFFERS* DOMINIQUE PLIHON**
A
u cours des vingt dernières années, les investisseurs institutionnels sont devenus des acteurs majeurs de l’économie mondiale par l’importance de leurs opérations sur les marchés financiers. Ces investisseurs ont multiplié les prises de participations dans les grandes entreprises et sont en mesure de contrôler de manière parfois décisive la gestion de celles-ci. Un certain nombre de travaux ont déjà été réalisés sur le fonctionnement et le rôle des investisseurs institutionnels. Leurs analyses montrent que ces acteurs ont une place désormais essentielle dans l’économie mondiale. Ainsi l’OCDE, dans une étude spéciale (1998), a analysé l’influence grandissante des investisseurs institutionnels dans le système financier international et sur le fonctionnement des entreprises industrielles dans le capital desquelles ces investisseurs ont réalisé des prises de participation. En France, le rapport Morin (1998), rédigé à la demande du ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, conclut que la gestion des grandes entreprises françaises connaît actuellement « une transformation radicale, impulsée de l’extérieur, par l’entremise des grands gestionnaires de fonds de pension américains ». On se propose, dans cet article, de prolonger ces réflexions en mettant l’accent sur l’impact des investisseurs anglo-saxons sur la gouvernance des entreprises. Notre hypothèse centrale est qu’il existe un lien étroit entre les règles juridiques qui encadrent ces acteurs aux États-Unis, d’une part, et les principes de gouvernance imposés par ces mêmes acteurs aux entreprises dont ils sont actionnaires à l’échelle internationale, d’autre part. On montre qu’au-delà de leur diversité, les investisseurs institutionnels américains poursuivent des objectifs communs. Une première partie décrit les principales caractéristiques de ces acteurs et montre la montée en puissance des