Goyuig
Mon cher enfant que j’ai vu dans ma vie errante,
Mon cher enfant, que, mon Dieu, tu me recueillis,
Moi-même pauvre ainsi que toi, purs comme lys,
Mon cher enfant que j’ai vu dans ma vie errante !
Et beau comme notre âme pure et transparente,
Mon cher enfant, grande vertu de moi, la rente,
De mon effort de charité, nous, fleurs de lys !
On te dit mort… Mort ou vivant, sois ma mémoire !
Et qu’on ne hurle donc plus que c’est de la gloire
Que je m’occupe, fou qu’il fallut et qu’il faut…
Petit ! mort ou vivant, qui fis vibrer mes fibres,
Quoi qu’en aient dit et dit tels imbéciles noirs
Compagnon qui ressuscitas les saints espoirs,
Va donc, vivant ou mort, dans les espaces libres !
Paul Verlaine
Dit de la force de l’amour
Entre tous mes tourments entre la mort et moi
Entre mon désespoir et la raison de vivre
Il y a l’injustice et ce malheur des hommes
Que je ne peux admettre il y a ma colère
Il y a les maquis couleur de sang d’Espagne
Il y a les maquis couleur du ciel de Grèce
Le pain le sang le ciel et le droit à l’espoir
Pour tous les innocents qui haïssent le mal
La lumière toujours est tout près de s’éteindre
La vie toujours s’apprête à devenir fumier
Mais le printemps renaît qui n’en a pas fini
Un bourgeon sort du noir et la chaleur s’installe
Et la chaleur aura raison des égoïstes
Leurs sens atrophiés n’y résisteront pas
J’entends le feu parler en riant de tiédeur
J’entends un homme dire qu’il n’a pas souffert
Toi qui fus de ma chair la conscience sensible
Toi que j’aime à jamais toi qui m’as inventé
Tu ne supportais pas l’oppression ni l’injure
Tu chantais en rêvant le bonheur sur la terre
Tu rêvais d’être libre et je te continue.
Paul Eluard
Far-niente
Quand je n’ai rien à faire, et qu’à peine un nuage
Dans les champs bleus du ciel, flocon de laine, nage,
J’aime à m’écouter vivre, et, libre de soucis,
Loin des chemins poudreux, à demeurer assis
Sur un moelleux tapis de fougère et de mousse,
Au