Au cours des grandes grèves de mai 1968, le premier ministre Georges Pompidou réunit les représentants des employeurs et des salariés pour trouver une issue à la crise qui ne cesse d’exacerber les passions. Car, en effet, depuis peu, la crise a pris une toute autre ampleur et le gouvernement ne voit pas le bout du tunnel. Les revendications indépendantes ouvrières et étudiantes de mars ont laissé place à un rassemblement unitaire où la grève et les manifestations paralysent le pays. La manifestation du lundi 13 mars est le reflet de cette unité revendicative : « Ouvriers, Enseignants, Etudiants solidaires », proclame une grande banderole. Cependant, derrière cette apparente cohésion, de nombreux différents opposent les mouvements et organisations syndicales. L’influence des parties gauchistes chez les étudiants semble être un point d’inquiétude pour les leaders de la CGT. Des risques de débordements sont craints et l’utilisation de la violence est devenue monnaie courante. En d’autres termes, la CGT n’a pas comme pour les grèves de 1936 le monopole des revendications syndicales. Elle n’est pas également l’interlocuteur prioritaire du gouvernement. Les relations entre la CGT, d’une part, l’UNEF et le syndicat de l’enseignement supérieur FEN, d’autre part dirigé par un gauchiste, se tendent. Malgré ces divergences, le nombre de grévistes ne cesse de s’accroître, atteignant les six millions le 20 mai. Devant le fait accompli, Georges Pompidou annonce son intention de nouer le dialogue avec les organisations syndicales. Le 25 mai, les différents interlocuteurs se rencontrent au ministère du Travail situé rue de Grenelle. Nous gardons une trace de ces accords grâce notamment à Jean-Daniel Reynaud qui est l’auteur de l’extrait étudié. Ce dernier qui est né dans l’entre deux guerre est professeur de sociologie du Travail au conservatoire national des Arts et Métiers. Les places pour participer à cette rencontre sont chères et le FEN a dû batailler pour y participer.