Guerre et paix
« Mais pouvait-il en être autrement ? se dit-il. La voici cette capitale ; elle est à mes pieds, attendant son sort. Où est maintenant Alexandre et que pense-t-il ? Quelle ville étrange, belle, majestueuse ! Et quel instant étrange et majestueux ! Sous quel jour me voient-ils ! se demandait-il en pensant à ses soldats. La voici, la récompense pour tous ces gens de peu de foi, et il jetait un regard sur son entourage et sur les troupes qui approchaient et s'alignaient. Un seul mot de moi, un seul geste de ma main et elle est perdue, cette antique capitale. Mais ma clémence est toujours prompte à descendre sur les vaincus. Je dois faire preuve de magnanimité et de vraie grandeur... Mais non, il n'est pas vrai que je sois à Moscou, songeait-il soudain. Pourtant, la voici à mes pieds avec ses coupoles dorées et ses croix qui jouent et vibrent dans le soleil. Mais je l'épargnerai. Sur ces antiques monuments de la barbarie et du despotisme, j'inscrirai les grands mots de justice et de clémence. C'est à cela qu'Alexandre sera le plus douloureusement sensible, je le connais. Du haut du Kremlin - oui c'est bien là le Kremlin, oui - je leur donnerai de justes lois, je leur montrerai ce qu'est la vraie civilisation, je forcerai des générations de boyards à rappeler avec amour le