Guerre et paix
Il n’y a pas de guerre sans confrontation directe, sans bataille, c’est-à-dire sans la décision d’assumer la possibilité pour le combat de s’achever par le sang et la mort. Quelques soient les grandes inégalités dans les pertes subies au cours des conflits qui ont jalonné l’histoire, il n’a jamais existé de guerre ne faisant absolument aucune victime. Même si le meurtre massif n’est pas la seule façon de vaincre, même si l’on peut préférer l’esquive ou le combat en reculant (comme Socrate le rappelle à Lachès) à l’affrontement frontal, même si la déroute de l’adversaire avant que le moindre affrontement n’ait eu lieu apparaît comme la situation la plus désirable, il suffit que les belligérants ne reculent pas devant l’idée d’infliger ou de se voir infliger la mort pour qu’il y ait guerre. La guerre repose donc, comme le rappelle Clausewitz dans De la guerre3 sur l’intention d’hostilité, c’est-à-dire la désignation de l’autre comme ennemi, désignation qui lui est explicitement déclarée. L’ennemi désigne l’individu dont la volonté s’oppose à l’accomplissement de la mienne, de sorte que je veux l’empêcher d’agir par tous les moyens. Aussi comprend-on que toute guerre s’inaugure par une déclaration de guerre. Si déclarer consiste à manifester extérieurement une résolution intérieure, à faire passer dans la forme objective de la parole un jugement subjectivement élaboré, la déclaration de guerre rend manifeste l’hostilité cachée qui légitime les actes de violence à venir.
La paix se définit en premier lieu négativement comme l’absence de guerre, l’arrêt des hostilités. Toutefois, à l’image de la guerre, elle prend la forme d’un état prolongé dans le temps. Etre en paix suppose l’assurance que la menace de guerre se trouve mise à l’écart, que les