Guerres interseigneurales
Après la chute de l’Empire romain d’Occident en 476 apr. J.-C., il faudra attendre le règne de Charlemagne (768-814) pour voir renaître un Etat stable, unifié et sécurisé. Mais le partage de Verdun en 843 amorce la chute de l’Empire carolingien. On assiste alors à une désagrégation totale de la notion d’Etat (res publica romaine), sous l’influence de nombreuses forces de dissociation : économie rurale fermée (autarcie) ; finances rudimentaires ; conception patrimoniale du pouvoir, qui a amené au partage de l’Empire ; pratique de la vassalité ; administration insuffisante qui, éloignée du pouvoir central, va peu à peu usurper certaines prérogatives de puissance publique ; enfin, reprise des invasions barbares aux frontières de l’Empire.
Dans ce contexte chaotique, du 10e au 15e siècle, font rage les guerres interseigneuriales, objet de notre présente étude.
Suite à l’éclatement du pouvoir et à un morcellement territorial conséquent qui amène à la construction de mottes fortifiées (phénomène d’encastellement ou enchâtellement), on voit émerger une nouvelle structure politique et économique : la seigneurie, aux contours mal délimités. Des guerres privées vont alors éclater, pour en fixer les frontières. Elles vont faire intervenir des lignées entières de seigneurs, qui pourront également mobiliser tous leurs « hommes », vassaux et roturiers. Finalement, ce sont des régions entières qui seront mises à feu et à sang par des guerres lourdes de conséquences pour l’économie et la vie même des habitants.
Ces guerres privées trouvent juridiquement leur fondement dans l’ancienne notion franque de « faide » (< fehd, en allemand), la vengeance privée. Cette justice archaïque légitimait la vengeance de la victime ou de sa famille, qui pouvait y renoncer moyennant versement d’une indemnité pécuniaire (le wergeld ou « prix du sang », en cas d’homicide). Dans ce cas, le seigneur intervient ici en tant que particulier pour défendre son droit bafoué. On préfère