Hegel et les loups solitaires

Les récents événements tragiques survenus au Parlement et à Saint-Jean-sur-Richelieu sont les dernières manifestations de ce qui a tous les traits d’un symptôme de nos sociétés développées. Bientôt sortis du contexte de la guerre contre l’État islamique, ils seront ajoutés à la longue liste de fusillades et d’attentats perpétrés par un loup solitaire ou un forcené d’une autre espèce. On connaît trop bien le scénario : un homme surgit dans l’espace public et répand la mort, le plus souvent pour courir à la sienne. Le lendemain, dans les journaux comme dans les conversations privées, l’être humain heureux, confortable, raisonnable que nous sommes, exprime son étonnement et son incompréhension. Pourquoi? Pourquoi un tel débordement de haine? Comment est-ce possible d’en arriver à une extrémité pareille? Les psychiatres et les psychologues appelés à la rescousse proposent quelques théories générales sur le sujet, faute de connaissances suffisantes sur l’individu en question. Une théorie qui revient (voir notamment l’article de Caroline Montpetit du 25 et 26 octobre 2014 et celui de Pauline Gravel du 15 septembre 2006) nous apprend qu’au fondement de ces crimes, se cache une quête de reconnaissance pervertie. La terreur qu’ils sèment leur procure la gloire dont leur vie criait l’absence. Seuls, désespérés, marginalisés, ils frappent au visage pour qu’on les voie.
Quelles qu’en soient les ramifications et les sources dans l’histoire de la psychologie, pour l’amateur de philosophie, cette théorie est attribuable à l’influence de la philosophie de Hegel sur les sciences sociales. Plus encore, les principaux traits du portrait-robot que les spécialistes dressent des loups solitaires évoquent immédiatement une des figures de la conscience décrites dans La Phénoménologie de l’Esprit.
Dans ce livre au projet titanesque, car il entend suivre pas à pas le développement du savoir, allant de l’expérience simplissime de la sensation à la