Hernani Victor Hugo
Acte V La noce Saragosse
Une terrasse du Palais d'Aragon. Il Fait nuit. On entend des fanfares éloignées.
Scène 6 Doña Sol, Hernani, don Ruy Gomez
Doña Sol, à don Ruy Gomez
Il vaudrait mieux pour vous aller aux tigres même
Arracher leurs petits, qu’à moi celui que j’aime.
Savez-vous ce que c’est que Doña Sol ? Longtemps,
Par pitié pour votre âge et pour vos soixante ans,
J’ai fait la fille douce, innocente et timide
Mais voyez-vous cet œil de pleurs de rage humide ? Elle tire un poignard sur son sein
Voyez-vous ce poignard ? Ah ! Vieillard insensé,
Craignez-vous pas le fer, quand l’œil a menacé ?
Prenez garde, don Ruy ! — Je suis de la famille,
Mon oncle ! Ecoutez-moi, fussé-je votre fille, Malheur si vous portez la main sur mon époux ! Elle jette le poignard et tombe à genoux devant le duc
Ah ! Je tombe à vos pieds ! Ayez pitié de nous !
Grâce ! Hélas ! Monseigneur, je ne suis qu’une femme,
Je suis faible, ma force avorte dans mon âme,
Je me brise aisément… je tombe à vos genoux !
Ah ! Je vous en supplie, ayez pitié de nous !
Hernani
Ah ! Son cri me déchire.
Doña Sol, lui retenant le bras.
Vous voyez bien que j’ai mille choses à dire.
Don Ruy Gomez, à Hernani.
Il faut mourir.
Doña Sol, toujours pendue au bras d'Hernani.
Don Juan, lorsque j'aurais parlé,
Tout ce que tu voudras, tu le feras. Elle lui arrache la fiole.
Je l'ai. Elle élève la fiole aux yeux d'Hernani et du vieillard étonné.
Don Ruy Gomez
Puisque je n’ai céans affaire qu’à deux femmes,
Don Juan, il faut qu’ailleurs j’aille chercher des âmes.
Tu fais de beaux serments par le sang dont tu sors,
Et je vais à ton père en parler chez les morts !…
- Adieu !… Il fait quelques pas pour sortir. Hernani le retient.
Hernani
Duc, arrêtez. A Doña Sol.
Hélas ! Je t’en conjure,
Veux-tu me voir faussaire, et félon, et parjure ?
Veux-tu que partout j’aille avec la trahison écrite sur le front ? Par pitié, ce poison,