Hernani
DONA SOL, se jetant sur lui.
Ciel ! Des douleurs étranges !...
Ah ! Jette loin de toi ce philtre ! - Ma raison
S’égare. Arrête ! Hélas ! Mon don Juan, ce poison
Est vivant ! Ce poison dans le cœur fait éclore
Une hydre à mille dents qui ronge et qui dévore !
Oh ! Je ne savais pas qu’on souffrît à ce point !
Qu’est-ce donc que cela ? C’est du feu ! Ne bois point !
Oh ! Tu souffrirais trop !
HERNANI, à don Ruy.
Oh ! Ton âme est cruelle !
Pouvais-tu pas choisir d’autre poison pour elle ? Il boit et jette la fiole.
DONA SOL
Que fais-tu ?
HERNANI
Qu’as-tu fait ?
DONA SOL
Viens, ô mon jeune amant,
Dans mes bras.
Ils s’asseyent l’un près de l’autre.
Est-ce pas qu’on souffre horriblement ?
HERNANI
Non.
DONA SOL
Voilà notre nuit de noces commencée !
Je suis bien pâle, dis, pour une fiancée ?
HERNANI
Ah !
DON RUY GOMEZ
La fatalité s’accomplit.
HERNANI
Désespoir !
O tourment ! Doña Sol souffrir, et moi le voir !
DONA SOL
Calme-toi. Je suis mieux. - Vers des clartés nouvelles
Nous allons tout à l’heure ensemble ouvrir nos ailes.
Partons d’un vol égal vers un monde meilleur.
Un baiser seulement, un baiser !
Ils s’embrassent.
DON RUY GOMEZ
O douleur !
HERNANI, d’une voix affaiblie .
Oh ! béni soit le ciel qui m’a fait une vie
D’abîmes entourée et de spectres suivie,
Mais qui permet que, las d’un si rude chemin,
Je puisse m’endormir ma bouche sur ta main !
DON RUY GOMEZ
Qu’ils sont heureux !
HERNANI, d’une voix de plus en plus faible .
Viens, viens... Doña Sol... tout est sombre...
Souffres-tu ?
DONA SOL, d’une voix également éteinte.
Rien, plus rien.
HERNANI
Vois-tu des feux dans l’ombre ?
DONA SOL
Pas encore.
HERNANI, avec un soupir.
Voici...
Il tombe.
DON RUY GOMEZ, soulevant sa tête qui retombe.
Mort !
DONA SOL, échevelée, et se dressant à demi sur son séant.
Mort ! Non pas ! Nous dormons.
Il dort. C’est mon époux, vois-tu. Nous nous