Hernani
SCENE PREMIERE
Une chambre à coucher, la nuit. Une lampe sur une table. Doña Josefa Duarte, vieille, en noir, avec le corps de sa jupe cousu de jais à la mode d’Isabelle-la-catholique, don Carlos.
DOÑA JOSEFA, seule. Elle ferme les rideaux cramoisis de la fenêtre, et met en ordre quelques fauteuils. On frappe à une petite porte dérobée à droite. Elle écoute.
On frappe un second coup.
Serait-ce déjà lui ? C’est bien à l’escalier
Dérobé.
Un quatrième coup.
Vite, ouvrons.
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Elle ouvre la petite porte masquée. Entre don Carlos, le manteau sur le visage et le chapeau sur les yeux.
: :Bonjour, beau cavalier.
Elle l’introduit. Il écarte son manteau, et laisse voir un riche costume de velours et de soie à la mode castillane de 1519. Elle le regarde sous le nez et recule.
Quoi ! Seigneur Hernani, ce n’est pas vous ? -Main-forte !
Au feu !
DON CARLOS, lui saisissant le bras .
Deux mots de plus, duègne, vous êtes morte !
Il la regarde fixement. Elle se tait effrayée.
Suis-je chez doña Sol, fiancée au vieux duc
De Pastrana, son oncle, un bon seigneur, caduc,
Vénérable et jaloux ? Dites. La belle adore
Un cavalier sans barbe et sans moustache encore,
Et reçoit tous les soirs, malgré les envieux,
Le jeune amant sans barbe, à la barbe du vieux.
Suis-je bien informé?
Elle se tait. Il la secoue par le bras.
: :Vous répondrez, peut-être.
DOÑA JOSEFA.
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Vousm’avez défendu de dire deux mots,maître.
DON CARLOS.
Aussi n’en veux-je qu’un. - oui, non. - ta dame est bien
Doña Sol De Silva ? Parle.
DOÑA JOSEFA.
: : :Oui. Pourquoi ?
DON CARLOS.
: : : : : : :Pour rien.
Le duc, son vieux futur, est absent à cette heure ?
DOÑA JOSEFA.
Oui.
DON CARLOS.
Sans doute elle attend son jeune ?
DOÑA JOSEFA.
: : : : : :Oui.
DON CARLOS.
: : : : : : : :Que je meure !
DOÑA JOSEFA.
Oui.
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DON CARLOS.
Duègne, c’est ici qu’aura lieu l’entretien ?
DOÑA JOSEFA.
Oui.
DON CARLOS.
Cache-moi céans.
DOÑA JOSEFA.
: : :Vous ?
DON CARLOS.
: : :