Les origines de la politique familiale remontent au moins au Second Empire. En 1860, une circulaire impériale instaura en effet un supplément familial de traitement au bénéfice des marins et inscrits maritimes, à ma connaissance le premier du genre. Il s’agissait d’une indemnité de 10 centimes par jour et par enfant de moins de 10 ans, soit à peu près 5 % d’un salaire ouvrier journalier. Sous la IIIème République, des initiatives analogues furent prises dans le secteur privé. Par exemple celle des Etablissements KLEIN, de Vizille, en Isère, en 1884. Puis, en 1891, l’encyclique Rerum Novarum incita les patrons à tenir compte dans le calcul de la rémunération, des besoins du travailleur et de sa famille. Léon XIII ne mâchait pas ses mots, écrivant : « les travailleurs isolés et sans défense se sont vus, avec le temps, livrés à la merci de maîtres inhumains. » Il réclamait justice pour les travailleurs, selon la formule : « il est juste que le fruit du travail soit au travailleur » tout en déclarant parallèlement : « La nature impose au père de famille le devoir sacré de nourrir et d’entretenir ses enfants. » Comment le travailleur père de famille nombreuse pourrait-il remplir ce devoir sans gagner rien de plus que le célibataire ? Léon XIII ne propose pas une formule particulière, mais des patrons chrétiens se sentirent concernés et cherchèrent une solution. Ils en trouvèrent une : le sursalaire familial[1]. Léon Harmel, patron d’une importante filature en Champagne, avait introduit dans son usine bien des usages reflétant directement ses convictions catholiques. C’était l’époque du « patronage » : beaucoup de patrons menaient des actions montrant le souci qu’ils avaient du bien-être de leurs ouvriers. En 1891, Léon Harmel innova, dans cette mouvance, en créant une « caisse de famille », dont il confia la gestion à une commission ouvrière, pour attribuer des suppléments familiaux à ses employés ayant des enfants à charge. Ces prestations étaient mixtes,