Honoré de balzac
«C'était bien lui, la plus forte tête commerciale et littéraire du dix-neuvième siècle; lui, le cerveau poétique tapissé de chiffres comme le cabinet d'un financier; c'était bien lui, l'homme aux faillites mythologiques, aux entreprises hyperboliques et fantasmagoriques dont il oublie toujours d'allumer la lanterne; le grand pourchasseur de rêves, sans cesse à la recherche de l'absolu; lui, le personnage le plus curieux, le plus cocasse, le plus intéressant et le plus vaniteux des personnages de La comédie humaine, lui, cet original aussi insupportable dans la vie que délicieux dans ses écrits, ce gros enfant bouffi de génie et de vanité, qui a tant de qualités et tant de travers que l'on hésite à retrancher les uns de peur de perdre les autres, et de gâter ainsi cette incorrigible et fatale monstruosité!» Le jeune poète émacié, le critique désargenté à l'humour sardonique qui, dans le Corsaire Satan du 24 novembre 1845, croque sous couvert d'anonymat un Balzac alors au sommet de sa carrière n'est autre que Charles Baudelaire.
Donner un sens moins pur aux mots de la tribu!
A propos de Balzac, difficile d'éviter l'exagération et les raccourcis: il est excessif en tout, surtout dans le travail. Enorme, puissant, jovial, prométhéen, herculéen, truculent, rabelaisien, etc. Ce dernier qualificatif est répété à l'envi depuis le Balzac de Théophile Gautier (1859). Ce rapprochement ne lui aurait pas déplu, lui qui tenait Rabelais, son «digne compatriote», pour «l'esternel honneur de Tourayne». Balzac a même écrit des Contes drolatiques (1832-1833-1837) en hommage au maître des pantagruéliens. Balzac, qui s'est gardé de les intégrer à La comédie humaine, les avait rédigés pour rompre avec la sinistrose affectée des