Horace
« Cette pièce ne vise pas à représenter le combat de l'Ancien et du Nouveau, dont un auteur dramatique ne saurait décider[...] ; elle vise à le porter dans le nouveau public, qui lui, en décide. »1
Introduction
Georges Forestier estime, dans son Essai de génétique théâtrale. Corneille à l’œuvre2, que l'efficacité de la dramaturgie classique cornélienne tient particulièrement au « principe de composition régressive », c'est-à-dire à la manière dont l'auteur met en drame la source historique à partir de la conclusion qu'il a choisie et donc de la réflexion finale qu'il veut proposer par son œuvre. Il faudrait ajouter que ce principe est premier dans toute réécriture, puisque c'est notamment l'actualisation ou la déformation de la réflexion finale de l'hypotexte qui permet de justifier les transformations opérées par l'écrivain pour réaliser un hypertexte original. Les réécritures de l'histoire des Horaces et des Curiaces sont emblématiques de ce travail de remotivation. Elle est en effet d'abord narrée par deux historiens exactement contemporains, l'un Latin et l'autre Grec, Tite-Live et Denys d'Halicarnasse. Tous deux prétendent à l'objectivité en ne prenant en effet aucun parti, que ce soit pour les Romains ou les Albains, mais déjà leurs versions diffèrent sur certains points. La publication en 1638 de L’Histoire romaine de Scipion Dupleix, qui présente différentes versions du combat entre les Horaces et les Curiaces, inspire probablement à Corneille la première œuvre littéraire traitant le sujet, sa pièce Horace, en 1640. Quoi qu'il juge ne pas avoir le droit de recourir trop à l'invention, le sujet étant déjà connu de ses spectateurs3, il imagine personnages et situations afin de faire porter des valeurs et une réflexion propres à sa pièce. Se saisissant du sujet pour écrire une « pièce didactique sur la dialectique à l'usage des enfants »4, Bertolt Brecht effectue non seulement pour sa pièce de 1935 Die