Horloge
André Durand présente
‘’L’horloge’’
poème de Charles BAUDELAIRE
dans
‘’Les fleurs du mal’’
(1857)
Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible, Dont le doigt nous menace et nous dit : «Souviens-toi ! Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d'effroi Se planteront bientôt comme dans une cible,
Le Plaisir vaporeux fuira vers l'horizon Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse ; Chaque instant te dévore un morceau du délice À chaque homme accordé pour toute sa saison.
Trois mille six cents fois par heure, la Seconde Chuchote : Souviens-toi ! - Rapide, avec sa voix D'insecte, Maintenant dit : ‘’Je suis Autrefois, Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !’’
Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor ! (Mon gosier de métal parle toutes les langues.) Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or ! Souviens-toi que le Temps est un joueur avide Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c'est la loi. Le jour décroît ; la nuit augmente ; souviens-toi ! Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.
Tantôt sonnera l'heure où le divin Hasard, Où l'auguste Vertu, ton épouse encor vierge, Où le Repentir même (oh ! la dernière auberge !), Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard !»
Commentaire
Avec cette menaçante horloge, qui adresse à chaque être humain un long discours d’avertissement, d’exhortation, d'exigence, Baudelaire reprit les thèmes pessimistes de la présence obsédante et de